
Dormir
Alice Marie Martin, Aria Rolland et Caroline Schmoll
commissariée par Jeanne Chopy
18/10/2025 > 29/11/2025
❝ Pour bien dormir, il faut pouvoir se sentir chez soi, comme à la maison. La maison a alors coulé jusqu’à l’espace d’exposition. Lit, oreiller, tabouret, couette, lampe de chevet, artefact du sommeil, font une ronde autour de nous. Et ici, au basculeur, il est facile de laisser rentrer la maison jusqu’à l’espace d’exposition, il suffit d’oubliez une porte ouverte. Mais ne vous laissez pas endormir, car le rideau de Aria Rolland deviendra drap et la couette de Alice-Marie Martin, deviendra alors rideau. Les tabourets de Caroline Schmoll resteront dans un entre-deux, mi-mobilier, mi-sculpture, se balançant pour toujours dans leurs ambivalences. Mais revenons un peu en arrière, car c’est par la fontaine de Caroline Schmoll que tout commence. Vous l’avez contournée et elle vous a fait une promesse aussi relaxante que fantaisiste. Ces colliers sont devenus des chemins et c’est par les cœurs que l’eau a fait le vœu de passer.
Dedans, les tabourets veillent sur le feu, ils n’ont besoin de personne, car ce sont eux les protagonistes de cette scène fantastique. Vous n’êtes que de passage, pendant que eux resteront tard le soir pour protéger les bûches qui dorment. Chacun a sa personnalité, comme autant de possibilités. Piquante, douce, ouateuse, zigouigouis et rococo. On pourrait presque imaginer leur voix, chuchotant au coin du feu.
C’est dans une couette que Alice Marie Martin, nous propose de nous enrouler. Un patchwork, une peau rafistolée, comme un immense rébus de ses anciennes pièces, où elle sème quelques indices ci et là. Il y a l’horloge de Nevers, décor de sa nouvelle dans le Rocking-Chair – ndlr le journal –. Le motif est celui de la nuit et le livre agit comme un signe, car c’est par une histoire, qu’Alice Marie Martin fabrique ses pièces.
Plus loin, chacune des fleurs dessinées pourra peut-être vous endormir, infusée dans une tisane, une nuit de pleine lune. Chaque cadre devient l’ourlet de son dessin, se décolle du mur, des oreilles leur poussent et faute d’être sculptures deviennent des bas-reliefs.
Aria Rolland chine des objets qui ont la forme d’eux-mêmes. Un porte-savon et des savons arrondis qui dorment dans leur nid. A chaque objet, une situation
trompeuse. Les savons auront été polis, pour nous faire croire à leur utilisation et dépareillés pour nous faire croire au hasard de leurs dispositions. Dans son travail, les objets n’ont qu’une seule ligne, qu’un seul contour. Le chemin est sans détour. Elle les choisit, comme elle pourrait les dessiner. Et si je vous dis de penser à un réveil, c’est celui-là que vous verrez. Et de penser à un pyjama : il est à carreaux, n’est-ce pas ?
Une personne dort pendant le vernissage, le lit prendra la forme de son corps et quand elle ne sera plus là, il sera alors facile de l’imaginer encore. Un matelas vide nous raconte toujours qu’il est possible que quelqu’un puisse y dormir.
Et puis, il y a ce petit lit, prêt à courir pour s’évader sur ses longues pattes, emportant avec lui le journal sur son dos comme une couverture. À ses pieds, une petite forme de Caroline Schmoll, est prête à être cajolée comme un petit doudou, un petit animal. Reste à savoir si c’est lui ou si c’est nous qui avons besoin d’être rassurés avant de dormir. ❞
Jeanne Chopy, octobre 2025.




























