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Vanity Fur

une exposition de Michel Jocaille
commissariée par Emilie d'Ornano

21/06/2025 > 26/07/2025

❝ L’exposition Vanity Fur explore les concours de beauté canins comme révélateurs de normes sociales, de rapports de pouvoir et d’esthétiques codifiées. Pour nourrir ce projet, Michel Jocaille s’est plongé dans
les archives et les collections de la Centrale Canine, organisme chargé de la gestion des races et des pedigrees en France.

Une photographie, issue d’une série datée des années 1920 à 1940, montre une femme française très élégante posant fièrement avec ses chiens de race. Le raffinement affiché, la posture soigneusement étudiée, l’allure du chien et celle de sa maîtresse semblent répondre aux mêmes exigences. En parallèle, une vidéo présente des extraits de concours canins contemporains. Les chiens y évoluent aux côtés de leurs maîtres dans une chorégraphie précise, rythmée, où chaque déplacement obéit à des règles strictes. Tout est codifié et évalué selon des critères : posture, allure, port de tête ou encore qualité du poil.

Par endroits, les murs sont recouverts de grands lés de papier peint, sur lesquelles s’imposent en très grand format les portraits légèrement floutés de bibelots en porcelaine issus de la collection de la Centrale
Canine. Classées par race et par type, ces figures relèvent d’une esthétique populaire et sentimentale souvent jugée désuète. Mais ici, elles sont extraites de leur contexte et magnifiées par une mise en
image surjouée : lumière de studio, cadrages serrés, textures amplifiées. Le regard se perd dans
ces images ambiguës, entre image fixe et frémissements. On ne sait plus très bien ce que l’on regarde,
ni même à quelle race on a affaire. Plus loin, d’autres portraits de chiens imprimés sur de la panne
de velours, prolongent cette impression de présence diffuse, quasi obsessionnelle. Dans les deux cas, les contours se brouillent, les surfaces brillent ou vibrent légèrement. Ce trouble visuel secoue nos repères, en
friction directe avec les logiques rigides des concours de beauté où tout repose sur l’évaluation précise des critères. À travers ce glissement, c’est tout un système de normes qui se fissure.

Les différents portraits présentés dans le basculeur ainsi que dans l’espace resserré de la Nanotecture sont rehaussés d’ornements qui en perturbent la surface et troublent leur lecture. En s’emparant de ces images, Michel Jocaille détourne leur fonction documentaire, laissant transparaître les rapports de pouvoir, les artifices du paraître et les tensions dissimulées.

Cette attention portée au corps scruté trouve un écho plus silencieux dans les sculptures disséminées dans l’espace d’exposition. Ici, le mouvement cède la place à la pose figée : celle des gestes élémentaires inculqués dès les premières étapes du dressage — assis, couché, debout, allongé sur le dos, ou dressé sur les pattes arrière. Ces postures, en apparence anodines, fondent pourtant le rapport d’autorité et d’obéissance. Immobiles, les figures canines échappent à toute lecture univoque et peuvent ainsi suggérer à la fois la soumission, la lassitude ou une tension prête à se rompre.

Les matériaux eux-mêmes participent à cette instabilité. Leur apparence hybride flirte avec une esthétique freak, comme si elles donnaient forme à un monde en transmutation. En effet, la série de sculptures canines est composée de matériaux composites mêlant osier tressé, tissus de doublures masculines, soie, cravates, paraffine, faux ongles et piercings. Ces assemblages donnent naissance à des silhouettes animales altérées et dégoulinantes, presque suintantes. Des fleurs semblent surgir de l’intérieur, traversant les couches de matière comme si une forme nouvelle tentait d’émerger. Chaque matériau utilisé est porteur de sens : la cravate évoque le pouvoir masculin ; la muselière, le contrôle ; la paraffine, une transformation lente, organique et imprévisible. À même le sol du basculeur, des laisses démesurément longues organisent la déambulation des visiteur·euses. Déployées au sol sous forme de lignes souples et serpentines, elles imposent des détours, ralentissent la marche. Cette contrainte douce, presque imperceptible, prolonge la logique de domestication en agissant cette fois directement sur les corps du public. Leur apparente mollesse contraste avec ce qu’elles suggèrent : une force contenue brouillant les frontières entre lien affectif, tentative de protection et instrument de domination.

Sous une apparence gothicokitsch, Vanity Fur s’inscrit dans une lignée de récits qui refusent l’assignation, la fixité, la norme. Les chiens y incarnent les archétypes du pouvoir masculin autant qu’ils en exposent la décomposition. Dressés, muselés, tenus en laisse, ils rejouent les formes codées d’un patriarcat fondé sur la maîtrise et la performance. Ces corps vacillent et basculent peu à peu vers autre chose. Dans cette exposition, Michel Jocaille détourne les codes de l’univers canin pour faire émerger de nouveaux récits : ceux d’identités en devenir, d’un système qui se défait, d’un pouvoir qui se délite. ❞
Émilie d’Ornano – juin 2025

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