Sculptures utopiques

❝ Le projet Sculptures Utopiques est né en 2010, avec un premier projet esquissé, dessiné et coloré sur tablette numérique, qui s’appelait ‘‘sculpture utopique pour une plage’’. Plage anonyme composée de sable, de mer en bleu, d’un ciel outre-bleu, lui aussi, parcouru de nuages blancs. D’un seau, d’une pelle, d’un râteau en matière plastique et d’une sculpture posée sur le sable qui vient barrer la mer. Plage de BD simplifiée où les plans de couleurs n’opposent aucune résistance au rêve, parce que ces bleus nous boivent, nous fondent, nous dissolvent, tout comme cette sculpture absurde nous attire vers son inconnu, dans son
enveloppement maternel.

Cette année-là il y eut beaucoup de projets de Sculptures Utopiques. Ils restaient lettre morte. Quelle pouvait être leur forme ? Les chantiers commencent par surgir d’une idée avant que de trouver leur apparence définitive. C’est comme dans un sommeil, une léthargie ou une hibernation: rien ne s’épuise, la fraîcheur du propos se perpétue, dans l’attente d’un déclic. Celui des yeux qui s’ouvrent. Il fallait discerner le chemin qui conduit au bon point de vue, l’horizon des concordances ou des résolutions, mais aussi trouver les moyens de voir. La matière de l’idée, c’est de franchir l’utopie en faisant de l’atelier une marche de remplacement du réel. On peut toujours provoquer la mer en l’ensablant d’illusion et attirer les regards vers cette magie délicate.
Comme on le dit « tomber dans le panneau », à commencer par moi-même, n’est-ce pas le jeu de l’art, moins tragique que les filets de chasse. La capture n’est pas mortelle, elle ne dure que le temps de s’éprendre de la vertu du spectacle des simulacres et nous berce comme les flots le font. Voici l’accolade des sens.

C’est ainsi que, faute de pouvoir vraiment réaliser ces sculptures pour des paysages ou des sites remarquables, j’ai décidé de faire un travail de simulation, de mise en scène de cet impossible à une échelle de décor, comme pour une représentation de peinture, un cinéma de peinture, avec un glissement de la représentation aux objets et à la matière concrète. Clin d’œil en passant, aux Plages d’Agnès*.
L’écran étant ici mon histoire de peinture, mais aussi un salut sur ce chemin de création qui passe par le
Palais Idéal du Facteur Cheval et les Temples de la Nature… Ces murmures du passé.Avec cette installation, je montre « 7 sculptures utopiques », impressions sur tissu, avec une dimension qui nous permette d’entrer pleinement dans le paysage qui les abrite. Ces pièces constituent une édition à tirage limité, d’une grande
fidélité et vivacité colorimétrique grâce à leur outil de conception.

D’un autre côté dans le jardin dans une démarche semblable de réalisation de la maquette à la matière de la sculpture pour le paysage, l’entreprise MIG et en la personne de son directeur, Cédric Giraud, a généreusement donné corps au basculeur rouge, n° 438, peinture industrielle sur métal (qu’il en soit vivement remercié !), pour le jardin du basculeur. C’est la première sculpture comme un signal, ou le symbole du basculeur, pour un futur jardin de sculptures ?

Je suis heureux que le basculeur puisse accueillir ce laboratoire d’Utopie, ce laboratoire tout court de peinture et de sculpture et de l’offrir aux regards, à l’écoute, entre autres, pour les Journées Européennes du Patrimoine.

Cette installation de la sculpture utopique pour une plage se vit comme un spectacle intime. Les transats nous invitent à nous asseoir pour regarder, écouter, rêver, patienter cette entente de la mise en scène. Ce regard-écoute s’accompagne de « 7 stances pour les sculptures utopiques », à lire dans une unique concordance des sens et des idées, de la poésie globale jusqu’au jardin qui, au-delà, deviendra aussi
irréel que la peinture.❞

Marc Chopy, 2024.